Mark Zuckerberg fait face à des pressions inimaginables de la part d’activistes voulant l’obliger à censurer Facebook pour en bannir des idées jugées inacceptables. Précisons que les idées qu’on veut censurer sont en principe légales (celles illégales étant déjà très largement bannies). Tout comme lors de l’Inquisition au Moyen-Age, où on est passé de la plainte en bonne et due forme, à la simple dénonciation, ici on veut aller plus loin que la loi et éliminer des idées juste parce qu’elles dérangent, scandalisent, agacent, contrarient, dégoûtent ou énervent les activistes. Ces derniers, bien que s’estimant anti-fascistes et tolérants, sont aujourd’hui la principale menace contre la liberté d’expression.
D’après les activistes, Zuckerberg aurait par exemple dû supprimer de Facebook la phrase de Trump: « Quand les pillages démarrent, les tirs commencent ». Mais ce serait parfaitement idiot, car cela empêcherait les citoyens d’être témoins des paroles de leur président, de se forger eux-mêmes leurs opinions, d’en débattre et d’en délibérer comme citoyens. Et c’est ce dialogue que voudraient empêcher les activistes-inquisiteurs. Au nom de quoi? Dans leur croisade contre « la haine », ils sont aveuglés par leur haine propre, mais plus ennuyeux encore, ils servent très directement l’agenda électoraliste des Démocrates. Nous sommes en année électorale et tous les coups sont permis.
Premier amendement et liberté d’expression
Zuckerberg l’a bien compris et refuse d’être l’otage des élections. ll leur répond: « Qui êtes-vous, et qui est Facebook, pour décider des idées et des opinions auxquelles doivent être exposés les citoyens? » Il a évidemment raison. Ce faisant, il met les intolérants face au First Amendement et aux valeurs fondatrices de l’Amérique.
L’Occident a perdu sa mémoire et remet au goût du jour la notion médiévale d’hérésie et de sacrilège, qui avait mené à la pratique de l’Inquisition. Effacées les leçons de l’histoire, le Siècle des Lumières. Pourtant, nous sommes héritiers des Lumières et de ce que n’avaient pas les moyenâgeux: la liberté d’expression. Mais sait-on encore ce que c’est? A quoi elle sert? Une amnésie relativement sélective semble frapper nombre d’esprits sur ce plan.
Face à cette inquiétante montée de nouvelles formes d’orthodoxie de la pensée en Occident, la liberté de s’exprimer et de débattre doit être défendue avec fermeté. Petit rafraîchissement sur ce qu’est la liberté d’expression: elle ne concerne manifestement pas les idées qui ne dérangent personne, sinon elle serait inutile: elle appelle précisément à tolérer la libre expression d’idées différentes des nôtres, qui font débat, qui font polémique. « La liberté d’expression ne vaut pas que pour les discours consensuels, explique la plateforme humanrights.ch, mais également pour les idées dérangeantes, voire choquantes et même pour des propos qui peuvent atteindre à la dignité d’une personne sans encore tomber dans la définition du discours de haine. »
Pluralisme et diversité d’opinions pour une vraie démocratie
Pourquoi tolérer des idées qui nous horripilent? Mais parce que sinon, chacun peut décréter que les idées de l’autre l’horripilent, et l’excommunier. Et que la vie en société et l’histoire commune ne seraient pas possibles. Une société inclusive et démocratique doit laisser s’exprimer toutes les voix, dans les limites de la légalité, ou le payer par des explosions contestataires et de la violence, appelant une spirale de répression et carcéralisation. Tout comme les Inquisiteurs du Moyen-âge, ceux d’aujourd’hui (marionnettes conscientes ou inconscientes des Démocrates) voient la lutte contre l’hérésie comme une question d’ordre public. Ignorant qu’à terme, ce sont eux qui, avec la censure et l’intégrisme de la pensée, vont faire exploser l’ordre public, déchaîner les luttes, et favoriser la subversion.
Jusqu’ici, certains observateurs ont jugé la position de Zuckeberg opportuniste, avançant qu’il se fiche de la liberté d’expression et ne pense en réalité qu’à l’audience de sa plateforme. Mais la perte de 7 milliards de recettes publicitaires, qu’il a encaissée sans céder aux pressions, signale que c’est une conviction pour laquelle il est prêt à perdre quelques plumes. Le boycott ayant pour l’heure échoué, Zuckerberg est la cible d’une campagne de dénigrement contre sa personne, portée par plusieurs médias américains, et servant directement des intérêts électoraux.
Pour le vérifier, mettez Google en anglais, puis googlez « Zuckerberg » et vous ne verrez que des titres très négatifs à son sujet, souvent associés à des sources pro-Démocrates américaines et aux activistes qui les entourent. Cependant le fondateur de Facebook – qui a déjà amplement joué le jeu de la censure ces dernières années – tient bon face à ceux qui aimeraient bien prendre le plus grand média du monde en otage pour imposer leur seule idéologie, qui ne doit souffrir nulle contradiction. S’ils y parvenaient, le processus ne s’arrêterait pas là. De plus en plus d’idées seraient censurées, comme lors de l’Inquisition, qui a sans cesse étendu la définition de l’hérésie, de la négation du dogme chrétien, à la sorcellerie, aux schismatiques, aux franciscains, ou à ceux qui refusaient de payer les dîmes.
It’s the economy, stupid
Conclusion: derrière tout cela, une réalité mal comprise: « It’s the economy, stupid ». Autrement dit, ce n’est pas Facebook qui a fait élire Trump, mais l’économie, l’appauvrissement d’un vaste pan d’Américains malgré 8 années de sourire lisse et de manières impeccables de Barack Obama. Et avec le Covid, c’est actuellement une politique encore pire, menée par Trump, de creusement accéléré des inégalités, qui est en train de laisser sur le carreau encore plus d’Américains, et d’enrichir les plus hauts revenus. Lire l’excellente enquête du FT qui explique très bien la mécanique totalement défaillante de la redistribution économique en Amérique, et redécouvrir l’économie, et les politiques économiques, et leur impact infiniment plus grand qu’un réseau social sur les élections et sur les comportements des citoyens et leurs opinions.